PAS DE PILE OU FACE
Au cours de l'été 1970, un fait divers très spectaculaire se déroula entre deux stations des Chemins de fer français.
L'un des chefs de gare avait la coutume depuis plus de quinze ans, d'envoyer le train de 18 H 45 vers FLERS, la ville voisine. Il ne le faisait qu'après avoir téléphoné à son collègue, pour vérifier que la Micheline de celui-ci était bien partie à sa rencontre à l'heure exacte.
En effet, les deux trains roulaient chaque soir sur une voie unique qui, pour leur permettre de se croiser, se dédoublait sur une centaines de mètres. Le minutage indispensable était précis.
Or, un soir d'Août, en pleine cohue des vacances, le téléphone de Flers resta occupé pendant plusieurs minutes. Le responsable du train, très contrarié, essaya plusieurs fois.
S'il attendait que la ligne se libère, il allait dérégler, de proche en proche, tout le trafic ferroviaire français.
Depuis quinze ans, il n'y avait jamais eu de problème. Les deux engins partaient ensemble, à la seconde près pour se croiser au bon endroit. Le Chef de gare se décida à expédier son train à l'heure exacte, comme habitude.
Hélas, la communication à peine rétablie, son collègue lui annonçait que sa "Micheline" avait quitté sa gare avec trois minutes de retard. A cet instant, les deux fonctionnaires surent que l'accident était inévitable.
Il n'y avait à l'époque ni radio, ni signalisation au sol, ni téléphone portable, ni aucun autre moyen de prévenir avant l'accident les deux conducteurs.
Les deux hommes se précipitèrent en auto, chacun de son côté, vers le lieu de la rencontre des deux trains, en cherchant à faire des signes de détresse. En vain, ils ne purent qu'assister impuissants à la collision qui fit des morts et plusieurs blessés.
On chercha les responsables. Les syndicats dénoncèrent le manque de modernisation du réseau secondaire, rejetant la faute sur la Compagnie ferroviaire. Le procès eut lieu.
Les jurés condamnèrent le coupable accablé, en lui trouvant toutefois des circonstances atténuantes. Ils reconnurent que la fatigue due au surcroît de travail réalisé dans de mauvaises conditions, pendant une période surchargée, y était pour beaucoup. Le mal était fait.
D'où partait la faute ?
En fait, lorsqu'une Situation est vraiment grave, il est obligatoire de privilégier un Programme d'exigence rigoureuse. Dans le cas des deux trains, le Chef de gare en question aurait dû se rendre compte que la vie de gens était en jeu.
Or, il ne voit dans l'information à traiter que la banale répétition d'un cas habituel. Il choisit donc un Programme de Facilité, car il n'était pas formé pour réfléchir au niveau de la sélection de ses Programmes.
Le pauvre homme n'avait pourtant contrevenu qu'à une seule loi, celle du choix du Programme de la Situation à gérer. Il avait à sa disposition les deux Programmes principaux : celui de "Facilité" et celui de "Rigueur" auxquels peuvent se joindre d'autres projets dont celui d'Urgence.
Il est indispensable de ne pas se tromper. Bien évidemment lorsque la nouvelle "Proposition d'Information" arrive, prête à se plier au Programme de la Mémoire Priorité, le Circuit peut en décider autrement.
En effet, pour que ce Programme soit entériné, il faut qu'il soit de nouveau accepté à ce moment-là. Il a été proposé en fin de parcours à l'instant précédent. Il doit, pour se réaliser, être choisi de nouveau au début de l'instant présent.
Malheureusement, le Chef de Gare décide, en ce soir du mois d'août, que la situation est semblable à toutes celles qui se sont déroulées sous ses ordres depuis quinze ans. Il ne voit là qu'une aventure banale, sans histoire, d'une soirée d'été chargée.
Pour traiter cette information qui lui arrive au sujet du départ de son train, il choisit de sélectionner le Programme de Facilité que son instant précédent avait prévu.
Il ne fait pas une erreur de jugement en ce qui concerne la décision à prendre, mais bien une erreur dans le choix du Programme qu'il aurait dû prendre.
Le cas étant lourd de conséquences, le responsable de l'accident aurait dû penser que la protection des voyageurs était primordiale. Il ne pouvait, à aucun moment, privilégier ce Programme fatal de Facilité, sous prétexte que la situation avait toujours était normale. Cette fois-ci, l'enjeu était trop important pour négliger l'imprévu.
Mais au contraire, si on utilisait trop souvent, le "Programme de Rigueur", la situation serait également intenable. Rien ne pourrait plus se faire rapidement et souplement. Les actions mondiales, les communications se gripperaient jusqu'aux petits rouages.
Car on n'a pas appris non plus à l'individu, à sélectionner facilement un Programme de Facilité, pour des occasions bénignes. C'est alors que certaines personnes se retrouvent en train de faire le malheur de leur proche, pour vouloir faire le bien à tout prix, en pensant avoir trouvé la bonne solution.